Lexique des principaux termes en Culture générale

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- A -

Autrui
Ce n’est pas simplement l’autre. Autrui est saisi sur le mode complexe de la différence - similitude. C’est un autre que moi, mais c’est aussi un autre moi. Autrui ce n’est pourtant pas l’ami. Autrui en effet, est posé dans son anonymat. Il ne m’apparaît qu’en dehors de la sphère des relations privées et personnelles. En outre, dans l’amitié la dimension de l’altérité tend à disparaître au profit des effets de similitude. 
 
A priori 
Indépendant de toute expérience. Les principes de la raison sont a priori parce qu’ils sont nécessaires et universels : l’expérience ne pourra jamais correspondre à ces déterminations.
 
Authenticité 
L’adjectif authentique qualifie un objet dont on est assuré de connaître le véritable auteur. L’authenticité exprime dés lors la conformité à soi-même. 
 
Anarchie, anarchisme
De a– ( alpha, préfixe signifiant en grec la privation), et archê, le pouvoir. L’anarchie désigne une forme d’organisation sociale caractérisée non pas nécessairement par le désordre, mais par l’absence de pouvoir politique. L’anarchisme est une doctrine visant à l’instauration d’un tel type d’organisation sociale, en postulant la possibilité pour l’individu de s’auto-discipliner et pour la société de s’auto-réguler.
 
Analyse, intelligence
Chez Bergson, ce sont les deux noms de la connaissance médiate ou discursive. Ses deux caractéristiques sont :
1) l’assujettissement à un point de vue particulier, à partir duquel le réel est analysé ;
2) le choix d’un système de symboles servant à l’expression.
Bergson parle aussi, à propos de cette intelligence analytique, de traduction ou de représentation. Sous toutes ces formes, elle ne dépasse jamais la connaissance du relatif.

 

- C -

Cruauté 
Cruauté désigne le plaisir conscient et volontaire pris à la souffrance d'autrui et emblématiquement, selon l'étymologie, au dépècement de la chair crue. Dans la philosophie morale classique, la cruauté est comprise soit comme une manifestation de l'inhumain (propre du barbare ou de l'aliéné, dans les deux cas des êtres en dehors de la communauté humaine), soit comme une révélation d'une force cruelle, la volonté de vivre qui est souffrance (Schopenhauer), cette nature cruelle qui met l'homme au monde et dont celui-ci se libère en contemplant les effets de la cruauté sur autrui (Sade). Cependant une autre tradition philosophique pense la cruauté comme épreuve du réel, que le concept ne peut que dénier.
En effet, si cruor est le sang versé (y compris au sens de "meurtre", "carnage"), cela signifie que la cruauté est la vie humaine pénétrée et exposée : « cruor, c'est la violence, mais la violence en nous » (Camille Dumoulié, Nietsche et Artaud, pour une éthique de la cruauté).
Il y a ainsi une "loi éthique" de la cruauté : « voir souffrir fait du bien, faire souffrir plus de bien encore - c'est une dure vérité, mais une vieille, puissante, capitale vérité humaine » ( Généalogie de la morale). Le bien est ici déploiement de la puissance, le fait pour une force d'aller au bout d'elle-même, non seulement en s'exerçant sur autrui mais en rendant autrui à sa dimension proprement infinie : « la violence subie par notre semblable se dérobe à l'ordre des choses finies (…) elle le rend à l'immensité (…) dans cette destruction, la limite de notr semblable est niée » (Georges Bataille, La littérature et le mal). Or, l'esprit humain doué de conscience, se saisissant, est précisément cette force « qui avance, il est donc cruel, barbare, primitif » (Artaud) car « esprit est la vie qui dans la vie elle-même tranche » (Nietzsche, Oeuvres complètes). Donc « c'est la conscience qui donne à l'exercice de tout acte de vie sa couleur de sang, sa nuance cruelle, puisqu'il est entendu que la vie c'est toujours la mort de quelqu'un » (Artaud, cité par J. Derrida, «La clôture de la représentation», in L'écriture et la différence). Artaud envisage avant tout que « du point de vue de l'esprit cruauté signifie rigueur, application et décision implacable, détermination irréversible, absolue » ( Oeuvres complètes) qui consiste à évacuer le sujet tout-puissant, détenteur de la parole logique pour laisser sa place au langage inarticulé, à la parole du "corps sans organes", la parole physique d'avant les mots du sens.
Selon Nietsche, cette cruauté de l'esprit qui entame la chair du réel, qui, par exemple, juge en séparant le monde de l'être et du devoir être, cette cruauté est sousjacente jusque dans l'acte par lequel s'impose la loi morale, l'impératif exigeant catégoriquement d'agir en vue du bien tel que le mobile de mon action puisse s'imposer à tous comme une loi universelle : « au fond ce monde a toujours gardé une certaine odeur de sang et de torture ! Même chez le vieux Kant : l'impératif catégorique sent la cruauté » (Généalogie de la morale). Il y a ainsi une généalogie violente de la morale - et du complexe religieux et philosophique qui précisément se développe en occident en refoulant la cruauté comme expérience du réel - exposée dans la première dissertation de cette oeuvre. Elle consiste en une violation de la loi de nature (domination du fort sur le faible) par une tromperie, incarnée par la figure du "prêtre" qui cherche le pouvoir en convertissant les forts à l'impuissance, en inversant la violence naturelle (cruauté) ou moyen sans fin, en violence spirituelle (méchanceté) qui utilise le moyen opposé (l'impuissance, la réactivité et la culpabilisation) pour parvenir à sa fin. 
 
Communisme
Au sens large, on appelle ainsi toute doctrine visant à « mettre en commun », c’est-à-dire à réunir en une appartenance collective, des biens ou des personnes habituellement séparés. On distingue différentes formes de communisme, selon la nature des biens mis en commun. Platon propose, pour une partie de la population au moins, une soustraction des enfants à leurs parents et une éducation collective, ainsi qu’un partage des conditions d’existence matérielle. On en trouve des formulations approchantes chez Th. More ou d’autres écrivains utopistes. Mais le sens moderne du mot lui est donné par Marx et Engels ( Manifeste du parti communiste, 1848), et désigne une doctrine politique qui revendique non la disparition de toute propriété privée et de toute vie privée, mais la collectivisation des moyens de production (terres, usines,…), afin de supprimer l’exploitation du salarié par son employeur.
 
Camarade
Le mot dérive de l'espagnol camara, la chambre.
Camarada désigne à proprement parler la chambrée. Le mot semble donc réservé aux militaires.
Le camarade sera d'abord celui du régiment. La camaraderie suppose donc l'amitié soudée par le combat partagé.
Quant au compagnon, il partage le même pain (familièrement le co-pain). Il accompagne, il ne se bat pas.
 
Communauté
Du latin communitas, dérivé de communis, ce qui est partagé par tous.
Communis s'oppose à proprius, ce qui n'appartient qu'à un seul.
La communauté désigne ce qui est commun, en partage et par extension le mot définit l'ensemble de ceux qui partagent. Les amis forment-ils une communauté ? La question n'est pas si innocente : de la réponse dépend la pertinence politique de l'amitié. Les citoyens doivent-ils être des amis pour que l'unité de la Cité soit préservée ? 
 
Concorde
Du latin cum, avec cordis, cœur.
La Concorde, c'est l'union des cœurs, le principe de toute communauté. Tous les cœurs n'en forment plus qu'un seul, la Cité est un véritable corps, un organisme. 
 
Conflit
Le mot dit le choc violent. De la même racine viendra fléau, l'instrument qui sert à battre le blé, et la calamité qui s'abat sur les hommes (fligere, frapper).
Le langage abuse : il en est ainsi du conflit comme de l'adjectif conflictuel manié sous le moindre prétexte d'une simple opposition ou d'une simple dispute.
 
Cité
Du latin civitas, le terme « cité » traduit aussi le grec polis. Désigne une forme politique répandue dans l’Antiquité (Athènes, Sparte,…) et jusqu’à l’époque moderne (Florence, Venise ou Genève jusqu’au XVIIIe siècle) : une communauté politique indépendante, réduite à la dimension d’une ville et de ses environs, dotée de lois et éventuellement d’un culte religieux qui lui sont propres et lui donnent son unité. La cité antique n’est donc pas simplement la ville, au sens géographique du terme, mais une entité politique, dans laquelle on peut voir l’ébauche de ce que l’on appellera, à l’époque moderne, l’État. C’est pourquoi on utilise aujourd’hui souvent le terme de « cité » de façon métaphorique, pour désigner tout État ou République (« les affaires de la cité » = « les affaires politiques »).
 
Citoyen
Membre d’une cité ou d’un État, bénéficiant d’un certain nombre de droits liés à l’exercice de la souveraineté, en particulier le droit de prendre part aux affaires publiques, soit comme électeur, soit comme co-législateur.

 

- D -

Délinquance 
Le terme de délinquance renvoit à la présence de la violence mesurée par la définition des délits et crimes que donnent les lois (laissant de côté des formes de violences diffuses, non reconnues comme l'était encore récemment le harcèlement sexuel) et par l'activité policière (au minimum l'enregistrement des plaintes, ce qui varie selon la confiance que les citoyens mettent en la justice ; voir l'exemple du sud italien où la mafia a longtemps découragé le recours à la justice d'Etat). Une tendance actuelle est de refuser de penser que la délinquance est déterminée par le niveau de vie économique. En effet, on constate à travers les statistiques que l'explosion de la délinquance** a eu lieu au moment où la société créait le plus de richesses (croissance des revenus) et permettait plus facilement une ascension sociale. Voler n'était donc pas la réponse à un besoin économique ni une manifestation politique contre l'oppression sociale, l'injustice de la société. L'explication de la délinquance de masse (qui consiste en petit vol) ne peut s'arrêter au motif psychologique immédiat (le plaisir de dérober à autrui dépassant l'intérêt pour le bien volé) et doit intégrer le fait de la croissance parallèle de comportements stimulants et encouragés par l'acte de délinquance : ainsi, la consommation de la drogue est sans doute pour une bonne part dans le type de délit ayant connu la plus forte hausse en 30 ans, le vol avec violence (multiplication par 23 entre 1963 et 1991). La délinquance n'est pas un art de vivre, au sens du banditisme incarné par le "milieu" avec ses règles et sa culture propre, mais elle correspond à un style de vie caractérisé par l'extériorisation sur autrui de son incapacité à vivre sa vie selon les règles du savoir-vivre ensemble d'une société donnée, qu'il s'agisse de la sexualité ou du rapport à la propriété. Le délinquant en ce sens n'est pas un être "anormal" ou "hors la loi" (il conserve un rapport à la norme et en vit de façon négative et réactive pour une part dans le cas des faussaires et autres escrocs), ni simplement "déviant" de la seule voie possible, il a précisément choisi une voie qui est une impasse pour la vie sociale.
**Le taux de vol était 3 fois plus important pendant la fin des 30 glorieuses (1961-1973) que pendant la période qui a subi les conséquences de la crise économique (1981-1994). Le taux de crime était, lui, 2 fois plus important, mais il remonte sur la fin de la période considérée (1991-1994) ; Sébastien Roché fait l'hypothèse que la minimisation de la délinquance sur les biens (justifiée par le discours sur le conditionnement économique de la délinquance) a favorisé la résurgence d'une violence qui touche les personnes (La société incivile)
 
Démocratie
Du grec démos, le peuple, et kratos, le pouvoir. Le terme « démocratie », qui signifie « pouvoir du peuple », peut renvoyer à des réalités différentes. Il faut d’abord préciser qu’en aucun cas, la démocratie ne désigne un régime où la totalité d’une population dirige les affaires publiques. « Le peuple » est toujours une réalité circonscrite par la loi : il ne comprend que les personnes majeures, et disposant du droit de citoyenneté, lequel est souvent associé à la nationalité. À ces restrictions se sont ajoutés de nombreux autres critères dans l’histoire : seuls les hommes libres, à l’exclusion des femmes et des esclaves, voire les hommes libres disposant d’un certain revenu, sont considérés comme « citoyens », par exemple, dans la démocratie athénienne et dans la République romaine. Ensuite la nature du pouvoir dont dispose le peuple peut être diversement définie. Soit le peuple est législateur (et il peut l’être directement, ou par l’intermédiaire de représentants) ; soit le peuple dispose en outre du pouvoir exécutif (ce cas de figure n’a guère d’exemple dans l’histoire).
 
Dictateur, dictature
La « dictature » est à l’origine, dans la République romaine, une fonction assumée temporairement par un dirigeant politique (souvent un chef militaire) afin d’assurer le salut de la République dans les périodes de crise. Au sens moderne, le dictateur est un dirigeant politique qui gouverne sans se soucier de l’assentiment des gouvernés, en particulier en faisant de la violence le moyen principal de la conservation de son pouvoir. 
 
Droit
On appelle « droit » un système de normes s’appliquant à une collectivité. Le droit se distingue de la morale, en ce qu’il est un système de normes collectives, et non individuelles. Il se distingue également de la coutume, en ce qu’il est sanctionné par une contrainte (système judiciaire, police, système pénitentiaire, etc.). On distingue le « droit objectif » (le système de normes) des « droits subjectifs » (les libertés et les prérogatives garanties à l’individu par le droit objectif).
 
Droit naturel
On appelle « droit naturel » un ensemble de règles supposées universelles et immuables, destinées à juger et à réformer le droit positif ; ces règles font l’objet de spéculations philosophiques, métaphysiques ou religieuses. 
 
Droit positif
Du latin ponere legem : « édicter une loi ». Le droit « positif » est le droit « posé », déposé dans des textes : le droit en vigueur, créé et appliqué dans les États réels. 
 
Déontologie
Du grec deon, il faut. La déontologie est d'abord synonyme de morale. 
 
Désir
Du latin sidus, l'étoile. Desiderare, c'est constater l'absence d'une étoile et la regretter.
Le désir est du côté du manque. Mais à la différence du besoin, il est produit de la culture, de l'imagination.
 
 
Despote, despotisme
Du grec despotês, qui désigne à l’origine le chef de famille. Le mot « despote » désigne donc, métaphoriquement, un souverain qui considère l’État (la chose publique) comme sa chose privée, et qui règne arbitrairement (selon son bon vouloir), sans se soumettre à aucune règle publique.
 
Droit divin
La doctrine dite « du droit divin » est la doctrine qui a permis, au Moyen Âge et à la Renaissance, de fonder l’autorité des monarques sur la volonté supposée de Dieu. Cette doctrine se fonde en particulier sur la phrase de saint Paul dans l’Épître aux Romains, selon laquelle « il n’est pas de pouvoir qui ne vienne de Dieu ». 
 
Durée 
Une durée est, au sens courant, un segment du temps. Chez Bergson, c’est une réalité absolue, celle du changement ou de la mobilité essentielle du moi, du vivant et de la matière. Cette réalité est saisie par une intuition dans laquelle l’esprit coïncide avec son objet, par sympathie. La durée pure est fondamentalement qualitative, et s’oppose au temps homogène que mesure la science et qu’elle représente toujours en le spatialisant.